« EXPOSITION PROLONGÉE : COUP DE SOLEIL / COUP DE LUNE »
Octobre 2021.
2 séries photographiques par Lionel Le Guen.
À voir rubrique Expos
Présentation
Printemps 2021. Dès les premiers jours en Guadeloupe, mon réflex me lâche, plus de focus. Cet attirail en sacoche qui failli me coûter un bagage en sus sur le vol AF765, se révèle un poids mort, un déchet de métro.
Ce séjour touristique de 3 semaines sera donc couvert à l’aide de mon téléphone. Après tout, cette durée ne vaut guère mieux comme matériel, pas le temps de penser un vrai travail photographique. Sauf que… comme beaucoup de primo arrivants finalement installés depuis des décennies, l’expérience va durer plusieurs mois. Mon téléphone sera donc l’outil unique de cette exposition prolongée au soleil de Gwada, mais aussi sous les nuits de pleine lune.
Évidemment mon œil naïf sous les tropiques sera enchanté par les cocotiers et les dégradés bleu-verts. La carte postale est une étape incontournable à assouvir et il se glisse toujours dans le cadre le feuillage de ces arbres-clichés omniprésents. Alors va pour les photos de plages au soleil couchant, l’émotion touche bien encore les gens du « péyi an nou ».
L’autre paysage, celui-ci plus inattendu, est la campagne aux faux airs de Normandie. Les cocotiers sont toujours là, mais en concurrence avec les vaches. Elles sont rivées à leur clou dès l’aube. Ce bruit métallique est caractéristique à l’heure des vachers. Il est tôt mais la chaleur monte déjà. Ces pauvres bêtes, souvent très maigres, y resteront au-delà du soleil de midi, jusqu’après la sieste de leur maître. Une vie rude sous les alizées. La dureté et la douceur, un oxymore tout guadeloupéen.
Les chiens créoles, eux, ne connaissent que l’âpreté du bord des routes et la violence des hommes.
L’autre contraste sera métaphorique : le soleil et la lune ; le jour aux ombres fortes, la nuit blanche sous la lune pleine. L’occasion de nouvelles scènes de plage, encore ! mais c’est une île que voulez-vous… L’occasion aussi de scènes humaines, enfin ! Tout comme à la ville, Pointe-à-Pître, visitée tardivement et brièvement. Elle n’est ni touristique ni affairiste. Tout se passe ailleurs semble dire la capitale paupérisée.
Le pied fendu sur la caille dès ma première plage à Bois Jolan, je n’ai pas touché terre durant 3 mois. Le touriste s’est envolé en homme affairé, mes nouveaux amis ont parfois eu du mal à me suivre. C’est l’euphorie du nouveau, de l’ouverture et de la confiance donnée. J’ai travaillé plus en quelques semaines que certaines saisons à Marseille ! Cela donne des idées forcément. Rester, s’installer, dans ce parfum brûlé de terre et de canne à sucre qui m’a envouté dès l’atterrissage ? Oui, mais… la dureté est là aussi. Rien n’est donné. Les délices sucrés sont les portes de l’Enfer. L’étranger le restera toujours et les aigris sont légion. Les fantômes de l’Histoire caribéenne vous regardent fixement. Des fantômes au bruit de chaînes habitent là et ne vous ont pas invité. Et puis une autorité importée qui entrave les élans par des motifs impérieux… L’empereur donne ses ordres jusqu’aux lointaines latitudes sans comprendre le décalage. Non ce n’est pas le jetlag, c’est le choc culturel d’identités unies par la violence.
Alors vers cette terre aigre-douce peut-être reviendrais-je, munis d’un réflex tout neuf et tropicalisé pour rester devant la carte postale et la traverser cette fois, sur un long temps d’exposition.
Gratitude à toutes celles et ceux que j’ai cotoyé durant ce séjour, toutes ces relations éphémères ou pérennes désormais. Lionel.